lundi 18 mars 2013

Créer une entreprise innovante et citoyenne, les recettes d’un jeune dirigeant audacieux.


Entreprendre c’est user d’audace, comprendre son marché et adopter une stratégie adaptée pour le conquérir. C’est ce qu'on apprend dans les écoles de management et qui s’est toujours vérifié. Des sociétés comme Intel , Microsoft ou Google en sont les emblèmes les plus connus de par le monde. Des capitaines d’industrie comme Richard Branson, Larry Ellison ou Bill Gates sont aujourd’hui écoutés par les jeunes dirigeants et les entrepreneurs en herbe à travers les réseaux sociaux, les conférences et les journaux spécialisés.

Nous avons décidé d’interviewer un jeune dirigeant audacieux, un entrepreneur qui a pris le risque très tôt dans sa carrière de créer sa société sur la base d’une bonne idée. Et ce qui nous a le plus marqué dans son entreprise c’est qu'elle est également citoyenne, qu'elle se préoccupe autant de l’écologie que de la réinsertion sociale.
Ce dirigeant s’appelle Olivier Desurmont, le créateur en 2004 de SINEO, entreprise spécialisée dans le lavage écologique de véhicule qu’il a dirigé pendant 7 ans avant de se lancer dans un nouveau projet entrepreneurial, autour de la mobilité internationale, qui donne lieu en juillet 2012 au lancement de la société Cooptalis.



Bickley Park : Olivier Desurmont, qu'est ce qui vous a amené à fonder SINEO en 2004 ?

Olivier Desurmont : Après 3 ans d’une première expérience professionnelle dans un grand groupe, j’étais certain d’avoir envie d’autres choses : l’envie d’entreprendre et l’envie de donner du sens à mon parcours professionnel. Je me suis donc mis à la recherche d’une idée de création d’entreprise. L’été 2003, la France a connu un épisode dramatique de sécheresse et les premiers arrêtés préfectoraux interdisant l’arrosage des pelouses, le remplissage des piscines et le lavage des voitures sont sortis. C’était le déclic, transformer une contrainte en opportunité, je me suis dit qu'il fallait proposer une alternative écologique au lavage des voitures – c’était un secteur que je ne connaissais pas du tout, je n’aime pas particulièrement les voitures et j’avais du laver la mienne 2 ou 3 fois dans ma vie auparavant…-. Après avoir donc étudié le marché du nettoyage des voitures, je n’ai rien trouvé de très innovant, écologique et social. J’ai donc donné ma démission et me suis lancé dans l’aventure.


Bickley Park : Comment a réagi votre entourage quand vous avez décidé de vous lancer dans cette création d’entreprise aussi  jeune ?

Olivier Desurmont : J’avais un bon poste, un bon salaire et des collègues et responsables de qualité dans ma précédente entreprise. Mon entourage familial était très rassuré de me voir évoluer dans cet environnement. J’ai annoncé lors d’un repas de famille que j’avais démissionné pour créer une société de lavage de véhicules , en plus avec une technique innovante et sans eau, tout le monde était inquiet pour moi. J’ai été soutenu du début à la fin de cette aventure par mon entourage même si  l’incrédulité et les appréhensions étaient bien présentes au départ.


Bickley Park : De quelles aides avez vous bénéficié de la sphère publique et privée et comment les avez vous obtenues ?

Olivier Desurmont : J’avais environ 5000€ pour démarrer cette aventure et aucune expérience de création et pilotage d’entreprise. Je suis donc allé chercher de l’aide auprès de plusieurs structures. J’ai trouvé au sein du Réseau Entreprendre une famille d’entrepreneurs qui m’a, en plus d’une aide financière, permis de grandir dans mon rôle de chef d’entreprise. J’ai également reçu le soutien du réseau Initiative, de France Active, du Conseil Régional, d’OSEO et de plusieurs fondations : Total, Anber, Macif,…  Nous avons la chance, dans le nord, d’avoir un réseau assez dense de structures d’accompagnement à la création ou reprise d’entreprise.  La chambre de Commerce a été également d’un précieux secours sur de nombreuses problématiques  (environnement, chimie Verte, International,…).


Bickley Park : Quels ont été les principaux vecteurs du développement rapide (450 personnes, 12 millions d’euros de chiffre d’affaires, une quarantaine de centres en France et en Belgique) qu’a connu SINEO en 7 ans ?

Olivier Desurmont : Plusieurs facteurs ont permis ce développement rapide: d’abord, le fait que les premiers centres ont très vite connu un succès commercial (innovation de services, concept différenciant), ensuite la médiatisation très forte de l’entreprise dont le concept alliant écologie et social a beaucoup plu, nous avons eu plus de 200 passages TV, Radio, Presse, Web… Enfin j’ai accepté l’idée d’ouvrir mon capital en 2007 et à la suite de cette première opération, nous avons injecté plus de 2 millions d’euros dans la société. L’entreprise a donc pu se développer rapidement.


Bickley Park : Beaucoup de jeunes créateurs d’entreprise partent d’une bonne idée mais leur société s’arrête avant son deuxième anniversaire ; que conseillez-vous aux candidats à la création d’entreprise pour passer ce cap difficile des deux ans ?

Olivier Desurmont : La réussite d’une entreprise est une alchimie très complexe : il faut la bonne idée au bon moment, il y aussi une part de chance. La frontière entre le succès et l’échec est très mince. Les conseils que je peux donner sont de mettre un maximum d’atouts de son côté :
1/ Avoir de bons outils de pilotage : tableau de bord, suivi de trésorerie.
2/ Renforcer son plan de financement et ne pas hésiter à demander plus que ce dont on pense avoir besoin.
3/ Maîtriser son développement: ne pas aller trop vite, il est nécessaire de poser de bonnes bases avant d’accélérer le développement.
4/ Choisir soigneusement ses collaborateurs, un mauvais recrutement est toujours pénalisant, c’est encore plus le cas pour une jeune entreprise.


Bickley Park : La communication a beaucoup changé ces dernières années depuis l’avènement des réseaux sociaux, comment voyez-vous l’usage de ces derniers pour le jeune créateur d’entreprise ?

Olivier Desurmont : Les réseaux sociaux ont pris une place très importante dans de nombreux secteurs d’activités dont le recrutement, mon métier aujourd’hui. C’est également une vitrine ouverte sur le monde entier pour les entreprises. Il est essentiel d’y être présent mais aussi de maîtriser la communication sur ces réseaux.


Bickley Park : Pensez-vous que l’entreprise doit dès ses débuts s’inscrire dans une logique citoyenne comme la préservation de l’environnement, l’emploi des jeunes et des seniors, le respect de la diversité ? Si oui, comment ?

Olivier Desurmont : Je suis persuadé qu'il est indispensable de mettre en place des politiques RSE dans nos entreprises. Quand on a l’opportunité de le faire dès le début, c’est plus simple alors que la conduite du changement pour appliquer des dynamiques RSE dans des structures existantes s’avère souvent longue et parfois coûteuse. Les entreprises qui ne prennent pas le bon virage environnemental et social en ce moment vont souffrir dans les années à venir. J’interviens régulièrement dans de grandes écoles. Aujourd’hui la majorité de ces jeunes issus de grandes écoles de commerce ou d’ingénieurs veulent donner du sens à leur parcours et être fiers des entreprises dans lesquelles ils vont travailler. Les talents d’aujourd’hui et de demain vont, à salaire à peu près équivalent, privilégier les valeurs de l’entreprise.


Bickley Park : Une étude récente montre que la France reste un des pays de l’OCDE où il est le plus simple de créer une entreprise, en particulier dans les procédures administratives; était ce le cas quand vous avez créé SINEO ?

Olivier Desurmont : D’un point de vue administratif, la création d’entreprise en France est relativement rapide et efficace comparée à d’autres pays que j’ai pu expérimenter. Cela dit, les axes de progrès restent nombreux et l’on ne peut pas se satisfaire de l’existant. L’un des bons points de l’aide à la création d’entreprise c’est la multiplication des structures d’accompagnement locales ou nationales: Oseo, Réseau Entreprendre, Réseau Initiative, France Angels, France Active, les BGE, Les Cigales,…


Bickley Park : Que vous a apporté, humainement, cette expérience de création d’entreprise ?

Olivier Desurmont : J’ai vécu de nombreux moments inoubliables, des échecs, des réussites, c’est la densité de ses expériences qui a été exceptionnelle chez Sineo et maintenant Cooptalis. C’est une école de la vie. Il y a eu beaucoup de rencontres avec des salariés, des clients, des partenaires, des journalistes, intellectuellement c’est une aventure enrichissante et qui justifie tous les efforts et sacrifices réalisés.


Bickley Park : Si un jeune créateur d’entreprise vous sollicitait pour son projet entrepreneurial, quelles sont les cinq questions que vous lui poseriez ?

Olivier Desurmont:
1/ Quelle vision avez-vous, à 5 ans, de votre projet?
2/ Vous êtes-vous entouré (et de qui) pour réussir ce projet ?
3/ Quels sont vos outils de pilotage ?
4/ Quel est l’ADN de votre entreprise ?
5/ Avez-vous une stratégie commerciale bien définie ?


Merci Olivier Desurmont,

Thierry Biyoghé

vendredi 15 mars 2013

Rencontrez les experts: le programme des interviews

Le 4 février, sur ce blog, Bickley Park annonçait des interviews d'experts et d'entrepreneurs, sur l'entreprise en mouvement.

Ce module d'interview s'appelle 'Rencontrez les experts' et donne lieu à publication sur ce blog et également sur les réseaux sociaux (dans la page entreprise de Bickley Park) Linkedin, Viadeo, Google + et Facebook.
La publication sur le blog est en français uniquement alors que celle dispensée sur les réseaux sociaux est dans les deux langues (français et anglais) de Bickley Park et sous format PDF.

La première interview, publiée le 18 février, a permis de connaitre le point de vue d'un expert, Jean Louis Leignel, fondateur du cabinet de conseil M.A.G.E Conseil, sur l'Activity Based Management comme système de pilotage de la performance de l'entreprise. Relayée par les réseaux sociaux, en version anglaise et française, elle a donné lieu à des débats intéressants en particulier avec les USA. A ce propos, un spécialiste américain de l'Activity Based Costing s'est déclaré candidat à une prochaine interview dans 'Rencontrez les experts'; nous en reparlerons à l'occasion de sa publication.

La prochaine interview paraîtra dans ce blog le 18 mars.
Elle traite de la création d'entreprise et c'est un jeune entrepreneur, Olivier Desurmont, que nous avons décidé de faire parler. Et c'est passionnant, surtout quand le créateur d'entreprise interviewé est à l'origine du très belle success story SINEO et qu'il est en train d'en écrire une autre avec Cooptalis.

Et le programme ne s'arrête pas là !

Il est finalement plus dense qu'annoncé le 4 février sur ce blog car les experts et les entrepreneurs sont nombreux à accepter ce type d'interview par Bickley Park.
Les prochaines semaines, d'ici les vacances de Pâques, nous allons traiter quatre thèmes différents:

  • Le marché du PPM (Project and Portfolio Management) qui intéresse toutes les industries qui travaillent par programme (avec ou non une R&D) et les grandes DSI. C'est un dirigeant d'un des éditeurs phare du secteur qui en parlera.
  • Le Knowledge Management, thème si cher aux consultants et qui en vérité intéresse tout le monde de l'entreprise. Notre interviewée nous fera profiter de son expérience internationale sur la mise en place d'un Knowledge Management.
  • Le pilotage de la performance vu par les américains; un expert qui a travaillé sur la Balanced Scorecard avec Robert Kaplan lui même va nous en donner sa vision. J'ai lu ses ouvrages; ils sont passionnants et bousculent beaucoup d'idées (fausses) reçues sur le sujet.
  • Le recrutement international et la mobilité c'est déjà en France un vrai sujet en soi; un entrepreneur du secteur va nous en donner sa lecture et nous en expliquer les enjeux.

Certains des thèmes annoncés le 4 février ont été décalés à plus tard mais restent d'actualité. D'autres thèmes  ont été ajoutés à notre liste et les candidats aux interviews continuent d'affluer. Et ce qui est intéressant c'est que des Nord Américains vont de temps en temps nous donner leur vision d'un thème alors que sur leur marché la perception en est différente de la notre. 
C'est ce que nous aimons chez Bickley Park, sortir des sentiers battus.

A lundi,

Thierry Biyoghé





















lundi 4 mars 2013

Le manager: intendant ou conducteur

En 2012, un article sur la différence entre un manager et un leader a inspiré beaucoup de commentaires sur le réseau social Viadeo en France. Il avait l'avantage de replacer le mot 'manager' dans son sens étymologique et de le confronter à un concept très fort en entreprise, le leadership.

Ce débat est passionnant et les réactions qu'il a suscité sur cet espace d'échange sans contraintes qu'est Viadeo nous a donné envie de l'aborder à notre tour, différemment.

Prenons la définition du mot 'manager' telle qu'inscrite dans un dictionnaire (par exemple sur Internet: http://www.le-dictionnaire.com):
  • (sports) entraîneur d'un sportif ou d'une équipe de sport
  • (mot anglais) personne qui administre, qui gère une entreprise
Utilisons un dictionnaire plus institutionnel, toujours sur Internet (http://www.larousse.fr), pour recouper cette information:
  • Spécialiste du management.
  • Personne qui gère les intérêts d'un sportif, qui entraîne une équipe.
Par contre, la définition du verbe 'manager' s'avère plus étendue:
  • Faire du management, organiser, gérer quelque chose, diriger une affaire, un service, etc.
  • Entraîner des sportifs, être leur manager.
Et le même dictionnaire souligne la difficulté d'emploi de ce mot:  Cet anglicisme est aujourd'hui courant. Si on souhaite néanmoins l'éviter, on peut le remplacer, selon le contexte, par dirigeant, directeur ou gestionnaire.

A première vue, le terme est défini surtout sous son aspect d'administration, de gestion. Pourtant le dictionnaire Larousse introduit la notion de dirigeant. Et ce qui laisse perplexe c'est la définition des mêmes verbes dans le dictionnaire Larousse.
  • Le verbe 'gérer' renvoie au verbe 'administrer'.
  • Le verbe 'administrer' renvoie d'une part au verbe 'gérer' mais d'autre part au verbe 'diriger'.
  • Le verbe 'diriger' renvoie à d'autres verbes, très différents des deux précédents: orienter, commander, conduire, mener, guider.

Et c'est là que réside tout le débat, surtout dans cette riche langue qu'est le français qui appuie un terme essentiel de l'entreprise sur un anglicisme qu'elle a du mal à définir.

Nous avons appliqué la même recherche au mot 'leader'. Dans le premier dictionnaire, sa définition fait référence à une notion de première place, de classement:
  • (mot anglais) celui qui est à la tête d'un groupe
  • équipe qui est en tête dans un championnat
  • par extension abusive toute entreprise qui n'est pas en dépôt de bilan se dit "leader sur le marché"
Dans le dictionnaire Larousse, la définition du mot 'leader' fait référence à la même notion:
  • Personne qui est à la tête d'un parti politique, d'un mouvement, d'un syndicat : Le leader du parti socialiste.
  • Personne qui, à l'intérieur d'un groupe, prend la plupart des initiatives, mène les autres membres du groupe, détient le commandement : C'est lui le leader de la bande.
  • Concurrent, équipe qui est en tête d'une compétition sportive : Le leader du championnat.
  • Entreprise, groupe, produit, etc., qui occupe la première place, un rôle de premier plan dans un domaine : Nous sommes les leaders en Europe pour ce type de produit.

A la lumière de ces définitions dans les dictionnaires français, il apparaît que le débat autour des termes de 'manager' et de' leader' est lié au fait que le terme de manager introduit indirectement la notion de leadership par le biais du verbe 'diriger' qui définit aussi le verbe 'manager'.
Et c'est exactement le quiproquo que l'on rencontre en entreprise.

Selon l'entreprise, les attentes vis à vis du manager diffèrent; en voici les axes principaux:
  • C'est un gestionnaire; il fait respecter les principes de fonctionnement de l'organisation.
  • C'est un chef: il fédère, par son autorité, les collaborateurs d'une partie de l'organisation.
  • C'est un pilote: il conduit les collaborateurs vers un objectif commun.
Ces axes ne sont pas antinomiques: un manager peut être attendu sur ces trois dimensions avec des priorités différentes selon les entreprises, selon leur culture et surtout selon leurs valeurs. L'axe du chef est cependant un pré-requis car il réfère à l'autorité, qu'elle soit naturelle ou héritée (par la position dans l'entreprise). En effet, qu'est ce qu'un manager sans autorité ?

Pour compliquer l'analyse, la pyramide hiérarchique de l'entreprise est également une composante qui influence le rôle du manager. En effet, un manager de niveau 1 (en charge d'un service par exemple) est évalué par un manager de niveau 2 (en charge du département dont fait partie le service), lui même évalué par un manager de niveau 3 (en charge du centre de profit dont dépend le département) qui finalement est le rang N-1 du dirigeant de l'entreprise.

Et de ce fait, le manager est orienté vers deux rôles: l'intendant ou le conducteur.

Dans la vie de l'entreprise, il n'est pas simple de concilier des managers dont le rôle (lié à leur personnalité et leur vision du management) est différent, dans une relation hiérarchique. Un manager de niveau N+1 de type 'intendant' percevra un manager de niveau N de type 'conducteur' comme un risque, un électron libre, peu soucieux de l'orthodoxie économique de l'entreprise. Dans le même esprit, le manager de niveau N, de type 'conducteur', percevra son manager N+1 de type 'intendant' comme une contrainte, frein à sa créativité. Le rapport hiérarchique devient de facto compliqué à maintenir et le manager de niveau N cherchera à changer soit d'organisation soit d'entreprise. C'est particulièrement le cas dans les entreprises de services où le capital est d'abord et essentiellement humain.

C'est sur ce point que réside tout la difficulté pour un dirigeant quand il a besoin des deux types de managers c'est à dire quand la culture et les valeurs de son entreprise conjuguent gestion et leadership. Il peut s'appuyer sur la direction des ressources humaines plus souvent légitime pour concevoir et mettre en oeuvre une gestion de carrière adaptée.

Thierry Biyoghé

Bickley Park